COMMENT CONCILIER LE JEÛNE DE RAMADAN AVEC LES EXAMENS ?

En ce début de mois de juin, de nombreux étudiants traversent une période cruciale et décisive dans leur formation : les examens. Le mois de juin coïncidant partiellement – une année de plus – avec celui de Ramadan, il convient à tout étudiant concerné par l’obligation du jeûne* et désirant rester productif de prendre certaines bonnes habitudes.

{Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme cela a été prescrit à ceux qui vous ont précédé, ainsi atteindrez-vous la piété} (Coran,  2 : 183)

La journée de jeûne commence très tôt, avant l’aube, et se termine à l’heure du coucher du soleil. Il convient dès lors de s’alimenter et s’hydrater en suffisance au repas du sahūr[1]. Il est préférable de faire primer la qualité sur la quantité de nourriture absorbée mais, surtout, d’éviter des mets trop salés, sucrés ou gras. Il est également conseillé de ne boire que de l’eau et du lait, ce dernier favorisant la régularisation de l’appétit et atténuant la sensation de faim au cours de la journée.

Comme le reste de l’année, une alimentation équilibrée intégrant des quantités adéquates de nutriments, de sels minéraux et d’eau est également vitale pendant le Ramadan. En ces mois d’été, le repas de rupture se fait tardivement, peu d’heures séparent l’iftār du sahūr et certains ne sentent peut-être pas le besoin de se réveiller la nuit pour s’alimenter. Pourtant il s’agit en réalité du repas le plus important de la journée, il permet de tenir jusqu’au soir. Les aliments riches en fibres et en glucides complets permettent de libérer de l’énergie lentement pendant de longues heures de jeûne. Ils se trouvent dans les céréales, les féculents et les graines comme l’orge, le blé complet… Il faut les privilégier ! L’apport d’acides gras insaturés (noix, poissons gras, huile d’olive…) est également indispensable pour permettre au corps d’accomplir diverses fonctions essentielles. Mais le plus important reste l’hydratation. Elle est primordiale pendant la période de Ramadan. Il est conseillé de boire de l’eau en grande quantité, entre 1,5l et 2l par nuit, en étalant l’absorption de la rupture à la reprise du jeûne.

En ce qui concerne l’étude, chaque individu est différent, certains préfèrent étudier le matin, d’autres l’après-midi, et d’autres encore, le soir ou la nuit. Ceci dépend de tout un chacun, néanmoins l’étude matinale est souvent considérée comme étant la plus efficace en termes de mémorisation. Une révision matinale, même pour ceux qui préfèrent étudier en soirée, ne peut être que bénéfique pour une assimilation plus complète de la matière étudiée.

Inutile de rappeler que la période d’examen doit être une période de révision. Le « métier » d’étudiant demande un travail régulier.  Une bonne prise de notes, la recherche documentaire, la réappropriation de l’écrit, des synthèses réalisées durant l’année font partie des clés de la réussite. Celui qui découvre sa matière pendant la session d’examens aura, bien évidemment, beaucoup plus de mal, qu’il jeûne ou pas.

Si l’alimentation et l’étude sont des facteurs importants, les périodes de repos le sont quasiment tout autant. La détente est indispensable à l’étude étant donné que la fatigue provoque des déficiences lors de la phase de mémorisation ainsi que dans la restitution des informations étudiées. Il ne s’agit pas uniquement de dormir suffisamment, mais il s’agit aussi de se décontracter, de se détendre et de « s’aérer » les neurones. N’oublions pas que si le cerveau peut aisément se passer de l’absorption de glucose durant toute la journée, il ne peut par contre pas totalement se passer d’oxygène pendant plus de 3 minutes – sous peine de souffrir de lésions irréversibles. Marcher permet d’évacuer le stress, de s’étirer, de remettre en place la colonne vertébrale (qui souffre ordinairement en position d’étude), de penser à autre chose, de reposer la vue et d’absorber une bonne dose d’oxygène. On devrait, comme l’expose Christophe Bobin, dévisser sa tête, la mettre sur une étagère et faire une promenade et voir, au retour, la tête allumée à nouveau.[2]

« J’ai accroché mon cerveau au portemanteau puis je suis sorti et j’ai fait la promenade parfaite. »[3]

Une sieste de 15 à 50 minutes, ne permettant pas au dormeur d’entrer dans la phase de sommeil profond, permet de se reposer sans laisser de sentiment de lourdeur. Ainsi, ceux qui en ressentent le besoin (et qui en ont l’occasion) devraient faire une petite sieste en début d’après-midi entre la prière de dohr et de ‘asr. Le Prophète (ﷺ) avait l’habitude de faire la sieste tous les vendredis après la prière de Jumū’a[4] mais pas uniquement, il faisait également la sieste lors de certaines expéditions[5]. Anas Ibn Mālik rapporte qu’il (ﷺ) a dit un jour : « Si quelqu’un d’entre vous a l’air somnolant pendant sa prière, laissez-le aller faire une sieste »[6].

Les bienfaits de la sieste sont médicalement confirmés, comme le stipule le Dr. Éric Mullens : « La chronobiologie nous apprend que l’on ne peut pas être éveillé et endormi n’importe quand. Au cours des 24 heures, les périodes de veille et de sommeil se succèdent avec deux moments favorables au sommeil : la nuit […] et le jour […] en début d’après-midi entre 13h et 17h ».[7]

Selon l’Institut du Sommeil et de la Vigilance : « Une sieste de 10 à 20 minutes entre 13 et 15 heures permet d’abaisser le niveau des hormones liées au stress. Elle […] joue un rôle non négligeable dans la restructuration des neurones. De ce fait elle améliore la mémoire et la concentration. »[8]

Bien que cela soit une certitude, rappelons que les prières doivent se faire à l’heure. En période de blocus, elles permettent à l’étudiant de rompre plusieurs fois par jour avec l’étude de façon à  reposer l’intellect au travers de la méditation. Notons que les bienfaits de la prière sur le corps sont divers et variés, et que ceux-ci sont d’autant plus appréciables en période de surmenage physique, intellectuel et psychologique.

Il est conseillé à ceux qui désirent faire du sport de le faire juste avant l’heure de la rupture du jeûne ou sinon après celle-ci. Par contre, il est déconseillé pour celui qui ne connait pas clairement ses limites physiques  de suivre des entraînements sportifs conséquents au cours de la journée vu que ces derniers peuvent l’assoiffer ou l’affaiblir outre mesure.

Comme l’estime le Pr. Abderahman Mechach : « les examens ne constituent pas [en soi] une raison juridique valable permettant de rompre le jeûne obligatoire du mois de Ramadan ».[9] Toutefois certaines fatāwā permettent à l’étudiant de rompre le jeûne lorsque celui-ci lui occasionne trop de difficultés et qu’il risque d’entraver à la réussite de ses examens. Ces avis juridiques ne sont pas destinés à la totalité des étudiants, les conditions sont strictes et ne répondent pas à la situation de la majeure partie de ceux-ci. C’est pour cette raison qu’il est impératif à l’étudiant mineur, ressentant des difficultés à concilier jeûne et examens[10], d’en parler à ses parents ou à un responsable religieux (imam, professeur, aumônier …). Quant à l’étudiant majeur, il lui est vivement recommandé d’également demander conseil pour son cas.

Nous terminerons par l’un des points les plus importants : l’invocation. L’étudiant doit garder à l’esprit que malgré tous ses efforts, la réussite ne peut être donnée que par Allāh le Tout-Puissant. Il faut placer, conjointement à l’étude, sa confiance en Allāh et L’invoquer avec sincérité : {Quand vous avez accompli la salāt, invoquez le nom d’Allah, debout, assis ou couchés sur vos côtés}. (Coran, 4 : 103) Tout comme le jeûne et la prière, l’étude de l’étudiant est considérée, si les finalités sont louables, comme une adoration (‘ibāda).[11] Si une étude régulière et une hygiène de vie saine contribuent assurément à la mémorisation, l’invocation[12] peut être la clé de la plus belle des réussites…

« Rien ne détourne le destin si ce n’est l’invocation. »[13]

 

Coécrit avec Sema Aydogan, 
psychopédagogue et  vice-présidente de Francolympiades.

 

Rappelons brièvement quelles sont les personnes concernées par le jeûne de Ramadan. Tout musulman jouissant de ses capacités mentales et de facto  responsable de ses actes (mukallaf) sauf en cas de maladie, voyage, menstrues et autres exceptions. La plus part savants considèrent que l’on devient mukallaf lors de l’apparition de poils pubiens, correspondant aux premières menstrues pour les filles et à la production de sperme pour les garçons. D’autres fixent ce passage à un âge compris entre une fourchette de 15 à 18 ans.

[1] Repas pris avant l’aube.

[2] BOBIN Christophe, La grande vie, Paris, Gallimard, 2014.

[3] BOBIN Christophe, Un assassin blanc comme neige, Paris, Gallimard, 2012.

[4] Prière du vendredi correspondant à l’heure de celle de dohr. Sahīh al-Bukhārī (939), (940), (941), (6279)…

[5] Sahīh al-Bukhārī (4135).

[6]  Sunan an-Nasa’ī (443).

[7] http://eric.mullens.free.fr/sieste/sieste1.htm

[8] http://podcastscience.fm/dossiers/2012/07/19/la-science-de-la-sieste/

[9] http://fatawas.be/Articles/Les%205%20piliers/Jeune/Les-examens-et-le-ramadan.html

[10] Et ceci malgré qu’il soit en parfait état de santé.

[11] Consultez à ce sujet la série d’articles sur l’importance de la connaissance selon l’Islam. Première partie disponible sur : https://raisonnances.net/la-quete-de-connaissance-est-une-obligation-1ere-partie/

[12] Il est conseillé de réciter l’invocation coranique du Prophète Mūsa avant chaque examen : {Seigneur, ouvre-moi ma poitrine, et facilite ma mission, et dénoue un nœud en ma langue afin qu´ils comprennent mes paroles (Rabbi chrah-lī sadrī wa yassir-lī ‘amrī wa-hloul ‘uqdatan min lisīnī yafqahū qawlī)}. (Coran, 20 : 25-28)

[13] Hadīth fiable rapporté par Ibn Mājah (1/90).